Mon père et moi
Ce jour de la fête des Pères ramène à moi le souvenir de cet homme qui durant mon enfance était mon seul grand héros.
Mon père est né en 1911, trois ans avant la Première Guerre mondiale. Il se prénommait Vincent. Il était issu d’une famille de onze enfants du quartier ouvrier de Saint-Sauveur à Québec. Son père était un travailleur dans l’industrie du cuir et sa mère était femme au foyer comme il était coutume à l’époque.
Mon père est le seul enfant de la famille à avoir fait des études. Il a été normalien, c’est-à-dire une personne qui a fait un brevet en enseignement, ce qui lui a permis d’enseigner au niveau élémentaire plusieurs années à travers le Québec et terminer sa carrière comme bibliothécaire scolaire. Il s’était spécialisé en enseignement du dessin, en Histoire et en géographie. Tous les étés, il quittait la maison pour poursuivre sa formation à Québec à l’Université Laval.
Son premier emploi comme professeur a été à Paspébiac en Gaspésie. Après avoir épousé ma mère, l’amour de sa vie comme il le disait, le couple s’est installé à Saint-Laurent de l’île d’Orléan. Il y aurait fondé une école pour garçon à ce qu’on m’a raconté. Quelques années plus tard, c’est comme professeur à Saint-Vallier-de-Bellechasse qu’il enseignera dans des conditions assez pénibles, la fabrique de la paroisse étant parfois incapable de lui verser son salaire faute de fonds. Ma mère m’a raconté que les parents d’élèves apportaient à l’occasion de la nourriture au presbytère pour que mon père puisse nourrir sa famille.
Au début des années 1950, il enseignera quelques années à l’école Saint-Edouard de Plessisville. C’est à cette époque que je viendrai au monde. Comme la tradition le voulait, mon frère, ma sœur et moi sommes tous nés à Québec, à l’hôpital Saint-François d’Assise, probablement parce que ma tante Rose, religieuse dont le nom était devenu mère Marguerite-de-Lorraine après ses vœux, travaillait à la maternité.
Vers 1959, toute la famille déménage à Longueuil, où mon père enseignera au Collège de Longueuil avec les Frères des écoles chrétiennes, à l’école Saint-Georges et Saint Antoine, ainsi qu’à l’école de Normandie. Il sera ensuite enseignant et bibliothécaire à la Commission scolaire régionale de Chambly, plus précisément à l’école Saint-Jean-Baptiste et à Gérard Fillion jusqu’en 1968, l’année de son décès, alors que je n’avais que onze ans.
Mon père était un fier nationaliste, membre de la Société Saint-Jean-Baptiste et un unioniste convaincu (Union National).
Je me souviens de sa grande capacité d’expliquer les choses. L’été précédent sa mort, alors que nous étions dans un pavillon d’Expo 67, il répondait spontanément aux questions de quelques visiteurs sur l’histoire et la géographie du pays. J’étais admiratif et fier de lui. J’avais l’impression qu’il était une encyclopédie vivante. C’est sans aucun doute de lui que j’ai hérité de ma passion pour l’Histoire et que je suis devenu chercheur en généalogie. Sans l’Histoire des familles, il n’y aurait pas d’Histoire du monde.
J’ai gardé aussi en mémoire son affection et sa bienveillance envers moi, mais aussi envers ma mère, mon frère et ma sœur. Je me souviens des marches avec lui, des moments en hiver où il tirait le traineau dans lequel j’étais assis, ou encore de sa grande fierté de dire affectueusement aux personnes qu’il connaissait que j’étais son bébé. C’est sans parler de sa patience lorsque nous attendions le train chez Eaton au Royaume du Père Noël.
Mon père était un homme aimant et je le ressentais. C’est probablement pourquoi j’ai pris des années à faire mon deuil après sa mort. Je pense encore souvent à lui, même à plus de 68 ans. La fête des Pères est pour moi un moyen de le faire revivre dans ma mémoire et dans mon cœur.
Je t’aime! Bonne fête, papa!