Pourquoi lire en numérique?
Ce billet se veut être un simple rappel des avantages de la lecture en numérique. Il ne s’agit pas de vous convaincre, vous, lecteurs et lectrices attachés à l’odeur du papier ou au plaisir du « livre objet ». Il s’agit surtout de souligner ce qui rend la lecture numérique plus pertinente en notre ère moderne.
Du côté de l’industrie du livre, je déploierais surtout trois argumentaires. J’ai essayé de citer quelques sources, mais les plus taquins objecteront que je n’en ai retenu que les parties qui m’intéressaient: c’est vrai et dû au fait que je me suis efforcé de les replacer dans un contexte plus global, incluant notamment les besoins de survivance des auteurs indépendants et les contraintes des petites maisons d’édition et/ou librairies, que l’on écarte un peu trop commodément de certaines équations.
- Surproduction littéraire: tout le monde s’en plaint, mais personne ne veut publier moins, car au final c’est une question de revenus pour tous, auteurs comme éditeurs. Allez expliquer à un Saraja ou un Peschet qu’il doit moins écrire au profit d’un Musso ou d’un Werber, vous verrez comment vous serez reçu! L’avantage du numérique, dans ce cadre, est évidemment que vous échangez des bits de données, sans que des dizaines de milliers de tonnes de livres soient passés au pilon chaque année en France et sans limite de place dans les vitrines des librairies physiques. D’autant qu’une liseuse électronique, aussi polluante soit-elle à produire et à recharger, va durer des années au cours desquelles elle va soutenir les éditeurs et auteurs nativement numériques (comprenez: les plus petits et les plus modestes), il s’agit à mon sens d’une proposition plus vertueuse sur le long terme et pourvoyeuse d’une plus juste rémunération. La répartition du gâteau (les revenus de la chaîne du livre) est en effet réalisée avec moins de convives à table, ce qui permet d’assurer à l’auteur le versement de droits plus élevés (aux alentours de 20% en numérique vs 6-10 % en papier).
- Prix du livre: vous l’avez noté, le prix du papier a fortement augmenté (85% en presque deux ans) ces dernières années, sans compter l’inflation et les coûts de transports sur le circuit imprimeurs-dépôts-librairies-consommateur. Il serait faux de prétendre que les livres numériques n’ont pas également évolué, mais cette variation étant principalement imputable à l’inflation, on oppose alors la flambée des livres papier à une plus traditionnelle revalorisation du produit numérique au sens de l’économie générale. Pour préserver leurs marges déjà conséquentes et les dividendes de leurs actionnaires déjà riches, imprimer leur stock de plus en plus loin est une pratique fréquente pour les mastodontes de l’édition, dans laquelle le consommateur est au final le seul à ne jamais s’y retrouver. Passer au numérique est pour le lecteur un choix de raison. Il lui permet de lire toujours autant (voire davantage) sans que son budget « loisirs » (le premier sacrifié en période de crise économique et sociale) n’explose, et il continue à soutenir les petites structures qui assurent la véritable diversité culturelle en France.
- Frais de port: les auteurs indépendants le savent bien, depuis la fin des tarifs Livres et Brochure de la Poste, expédier un livre est devenu prohibitif. Les « offrir » comme le pratiquent les géants du commerce en ligne, Amazon en tête qui triche pour contourner la loi du prix plancher, n’est tout simplement pas envisageable, limitant l’accès aux auteurs et aux maisons d’édition « indés » au profit des stars éditées par les grosses et lourdes structures qui pèsent déjà dans l’industrie. Si le lecteur souhaite soutenir la diversité culturelle française, éviter les Amazon et consorts a un sens aussi profond que militant. Côté numérique, il privilégiera notamment les distributeurs numériques comme 7switch.
Du côté du lecteur, il y a également des choses à souligner. Personnellement, je ne retrouve plus « l’odeur du papier » chère à nombre d’entre vous que dans les très vieux bouquins (je ne parle pas du mâle lièvre). Cela tient probablement au fait que l’on n’utilise plus aujourd’hui les mêmes colles, encres et procédés de fabrication du papier qu’antan, mais chacun sa sensibilité, j’admets sans plus vraiment comprendre cet argument. En revanche, nous devrions converger sur les points suivants.
- Praticité: si vous êtes souvent dans les transports, dans les salles d’attente ou en voyage, vous promener avec un gros pavé dans votre sac à main ou un sac à dos ne se révèle pas toujours agréable. La liseuse allie discrétion et légèreté, elle mémorise là où vous vous êtes arrêté et si elle est connectée à un point Wifi (fixe ou mobile) vous pouvez rechercher des définitions de mots, des traductions, voire même des articles Wikipedia permettant d’enluminer votre lecture.
- Empreinte au sol: je ne parlerais évidemment pas ici de celle du livre en lui-même, mais plutôt de celles de vos multiples et précieuses bibliothèques. Les aficionados n’en ont jamais assez, ce qui peut parfois être l’objet de tensions dans les couples en raison du débordement des bibliothèques sur les pièces et couloirs attenants de vos lieux de lecture préférés. L’avantage est ici que chaque liseuse est capable de contenir dans sa mémoire des milliers de livres. Bien sûr, vous préférerez acheter des epubs sans DRM, pour pouvoir changer sans difficulté de marque de liseuse, les consulter aussi bien sur smartphone, tablette, ordinateur au gré de vos besoins ou envies. Cela vous permettra également d’en réaliser plus facilement des copies de sauvegarde, car comme avec tout ce qui est numérique, les erreurs de manipulation catastrophiques ne sont jamais bien loin.
- Prix: à l’exception de certaines grosses maisons d’édition qui se sont mises sur le marché du numérique avec réticence et retard, pratiquant des prix plus élevés pour leurs epubs que leurs livres de poche, vous trouverez toujours meilleur marché les plateformes numériques que dans les librairies physiques. Si vous n’achetez que peu de livres papier, je ne peux que vous encourager à soutenir les libraires en faisant vos achats en boutique plutôt que sur les géants de l’e-commerce. Si en revanche vous êtes un « gros consommateur », le prix moyen d’un ouvrage numérique sera bien plus favorable à votre portefeuille. Et si jamais votre soif de lecture est insatiable, intéressez-vous au projet Gutenberg, une bibliothèque de versions électroniques libres de livres physiques.
- Diversité: certains libraires, pas assez nombreux, font un excellent travail de curation. Ils lisent et sélectionnent les ouvrages, avant de vous les recommander. D’autres n’ont de choix que de placer dans leurs vitrines et têtes de gondoles les nouveautés décidées par les diffuseurs et les maisons d’édition. Les deux catégories peinent à survivre, tributaires soit de leurs spécialisations soit de la consommation de masse qui font d’eux des manoeuvres ouvrant et fermant des cartons à longueur de journée sans garder le fil avec la passion qui les anime. Dans ce contexte, les littératures de genre des petites maisons d’édition n’ont que peu ou pas d’espace d’expression. La lecture numérique vous donnera accès à de nombreuses pépites francophones, car tous les talents ne sont pas publiés par les grosses maisons d’édition (et heureusement!). La lecture numérique permet de découvrir, de défricher des marchés où se cache la véritable diversité culturelle. Sans compter les auteurs auto-édités qui ont très rarement pignon sur rue dans les librairies physiques mais qui, pour certains, vous réservent des surprises avec de bons textes servis par des corrections, des maquettes et des illustrations professionnelles.
- Accessibilité: c’est probablement l’un des arguments les plus percutants. La plupart des liseuses permettent d’agrandir la police des caractères, leur mise en forme afin d’aider les lecteurs qui ont des difficultés visuelles à découvrir l’ouvrage dans des conditions confortables. Même les lecteurs dyslexiques peuvent installer et/ou utiliser la police OpenDyslexic pour les aider à compenser leurs troubles. Cela remet le plaisir de la lecture au centre des préoccupations et ouvre celle-ci même à ceux qui la fuient habituellement en raison de leurs difficultés. Et, cerise sur le gâteau, à condition d’avoir le matériel approprié (une plage braille), il est possible de lire n’importe quel epub numérique sur ces appareils.
Dernière mise à jour: 24 février 2025
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