Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, 1945.
L'histoire d'un jeune militaire affecté à un fort isolé gardant une frontière d'où personne n'est venu depuis des siècles.
Il passera sa vie dans l'attente jamais pleinement inavouée, toujours sous-entendue, moquée, ironique, de la guerre et sa corollaire fantasmatique, la gloire - le début d'une véritable vie.
Il vivra fantôme parmi les fantômes.
Un récit de l'attente, du temps qui passe sans qu'on s'en aperçoive, de la force marécageuse des habitudes et de la routine, de la mesquinerie des officiers, de l'ennui et de la solitude des sentinelles, de l'absurdité cruelle de l'esprit militaire qui ne voit que ce qu'on l'autorise à voir.
Un roman de la défaite, empreint d'une mélancolie sans objet et d'une ambiance étrange aux lisières du fantastique.
Les descriptions externes où saille un narrateur subtilement ironique, quelques rares pensées et un monologue intérieur final jouent entre proximité et distance avec un personnage qui se tient lui-même à distance de lui-même toute sa vie.
L'une des rares œuvres sur la guerre qui ne la présentent pas comme formidable (même si terrible, même si absurde : tout de même impressionnante de puissance, de terreur). Ici le ballon est dégonflé. La mélancolie elle-même n'a rien de romantique.
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