Une lettre des robins des ruelles, refusée par tous les grands médias :
LA FAIM JUSTIFIE LES MOYENS
UNE LETTRE DES ROBINS DES RUELLES
Nous sommes les Robins des ruelles. Lundi soir, nous avons volé pour 3000$ de denrées alimentaires au Métro de la rue Laurier à Montréal, une chaîne d'épicerie ayant enregistré plus d'un milliard de dollars de profits pour l'année 2025. Nous avons déposé les aliments sous un sapin à la Place Simon-Valois dans Hochelaga-Maisonneuve.
Nous avons frappé là, mais ça aurait pu être ailleurs. Bien sûr, ce Métro est réputé comme étant « le plus cher de l'île », bien sûr les gardiens y frappent au besoin les clients qui volent, bien sûr cette succursale n'a pas hésité à évincer des locataires pour s'installer dans le quartier. Mais nous aurions pu choisir une autre cible. Vous en choisirez d'autres. Nous savons que nous ne sommes pas seules. N'importe qui peut s'organiser et devenir un Robin des ruelles. Ce geste était avant tout une invitation.
Le président de Métro, Éric Laflèche, s'octroie un salaire avec prime avoisinant les 6,1 millions de dollars, tandis que ses employées sont payées au salaire minimum pour surveiller d'autres pauvres en train de scanner leurs articles. Il faut se l'avouer, les caisses en libre-service apparues dans les dernières années n'ont rien de « libre ». Clôturées, gardées et surveillées par une employée, des gardes de sécurité et des caméras dans tous les angles, difficile de faire plus étouffant. L'alarme rouge de la caisse se déclenche au moindre poids inexact sur la balance. Mais qu'en est-il du poids de la faim ?
Ce mois-ci, nous avons vu des personnes pleurer à l'épicerie et arrondir leurs fins de mois avec de la nourriture en cannes; une aînée voler du thon au Dollorama; au pied d'une personne menottée devant un Maxi, un sandwich préparé en guise de preuve. Les Robins des ruelles sont à l'image de tous ces gens, pris dans un système qui profite de leurs ventres vides. Un système qui nous rappelle à tous les repas qu'il faut travailler pour vivre. Nous n'avalons rien de cela, c'est en autre chose que nous croyons.
Êtes-vous aussi fatigués que nous ? Nous sommes tannés de travailler jusqu'à l'épuisement seulement pour avoir de la misère à payer nos factures et notre panier d'épicerie. Nous ne voulons pas seulement survivre, nous voulons vivre. Et de cette vie, nous espérons bien plus. Comprenez bien, pas plus d'heures de travail ni plus de factures à payer. La réponse ne se trouve certainement pas dans l'effort palliatif des banques alimentaires et encore moins dans les différentes réformes qui ne font que faire tenir ce système déficient. Elle se trouve d'abord dans notre refus.
Nous répondons donc à l'appel des Soulèvements du Fleuve à riposter. Tant que le profit de quelques-uns primera, nous mangerons mal et trop peu, et n'aurons plus de toit sur nos têtes. Se défaire de l'emprise du marché sur notre subsistance, voilà notre horizon politique. Se défaire du monde de l'économie qui régit nos vies et de la confiance en « nos » institutions dont nous n'attendons plus rien. Donnons-nous les moyens de nos ambitions : exproprions les chaînes d'épiceries, créons des cuisines collectives, changeons les parkings en grands potagers, les champs de monoculture en garde-manger collectif. Ce monde ne leur appartient pas.
Notre horizon doit se lier au tapage de nos pas fermes qui descendent dans la rue. Le prix du pain augmente et l'histoire se répète. Ceux qui espèrent n'entendre dans le présent que le silence de la paix sociale doivent se préparer à être déçus. L'avenir appartient à ceux qui se soulèvent. Nous ne resterons pas affamés bien longtemps.
LES ROBINS DES RUELLES