« À la fin, dit Leibniz, les bibliothèques deviendront des villes. »
« Les catholiques ne songent pas que la foi des hommes se transforme, comme le font de manière générale les époques et les connaissances humaines. Progresser ici et ne pas bouger là, c'est impossible aux hommes. Quand les temps changent, même la vérité, pour nous agréer, doit revêtir d'autres habits. »
« Cadavres. On astique leurs chaussures avant de les balancer. »
« Cela me paraît être l"équivalent exact, en psychologie, de ce que dit en physique une théorie très connue, expliquant l'aurore boréale par le reflet de la lumière sur les harengs. »
« Dans des époques plus indolentes que la nôtre, on faisait questionner le Ciel par la philosophie : pourquoi avait-il créé le mal, vu que c'est la chose la plus désagréable du monde. Notre décennie sérieuse va, j'espère, lui demander bientôt pourquoi il a créé les papillons multicolores et les arcs-en-ciel, lesquels manifestement n'ont pas d'autre raison d'exister que le plaisir des gamins et des jeunes filles, ou l'abîme de réflexion dans lequel il font tomber un physicien oisif. »

« De nos jours, nous avons déjà des livres sur des livres, et des descriptions de descriptions. »

« Mon dieu, ne me laisse jamais écrire un livre sur des livres. »

« Si l'on ne voulait entreprendre dans le monde que ce qui est simplement nécessaire, des millions de gens devraient mourir de faim. »
« Les gens prétendument bien élevés, qui, soit dit entre nous, sont les plus mal élevés du monde. »

« M. Buffon a compté que si l'on plantait des ormes, on pourrait transformer en matière organique tout le globe terrestre en 150 ans. »

https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_de_Buffon,_%C3%A9d._Lanessan/Histoire_naturelle_des_animaux/Chapitre_II#:~:text=toises,cubes

Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des animaux/Chapitre II - Wikisource

« Superbe, dit [Jean-André] Deluc : "un seul coup d'œil sur l'immense quantité de glaces et de neiges qui couvrent les Alpes suffit à *tranquilliser* le spectateur sur la durée du Rhône, du Rhin, du Pô et du Danube." »
« On a des exemples que des astronomes ont perdu la vue pour avoir regardé longtemps la lune à travers leur lunette. »
« [Lord Boston] était un homme qui avait sa propre opinion dans tous les domaines, sauf dans les affaires politiques, où il était — implicitement — de l'avis de la cour. »
« Il distribuait des bénédictions le dimanche et souvent, le lundi déjà, des raclées. »
« Je prétends que pour une dispute, il est nécessaire qu'au moins un des partenaires ne comprenne pas le sujet dont on parle, et que dans une dispute vraiment vivante, dans toute sa perfection, les deux parties n'y comprennent rient, et ne savent même pas ce qu'elles disent elles-mêmes. »
« Je ne sais pas ce que veut ce personnage. Il s'est mis en tête que certains mots on une certaine signification, qu'ils devraient garder perpétuellement. Je demande : y a-t-il un décret royal contre un changement, oui ou non ? Qui va m'empêcher de prendre un mot ici, et une signification là, pour la lui attacher ? Tout cela manque manifestement de largeur de vue, et seule compte au monde la large vue. »
« Que l'on puisse convaincre ses adversaires avec des raisons imprimées, j'ai cessé de le croire dès 1764. C'est pourquoi je n'ai plus pris la plume dans cette intention, mais seulement pour les énerver, pour donner courage et force à ceux qui sont de notre côté, et pour faire savoir aux autres qu'ils ne nous ont pas convaincus. »
« Ainsi font les hommes en général : lorsqu'ils ont envie de pleurer ou d'écumer de rage, il disent : ça me fait rigoler. »
« Vous avez trouvé le petit mot qui touche juste : vous n'êtes pas obligés pour autant de vous tenir pour des élus. »
« Au lieu de déblatérer ainsi, ces gens-là feraient mieux de rester au lit. »
« J'ai souvent remarqué que quand les gens se mettent à apprendre un principe mathématique en changeant d'approche par rapport à la démonstration habituelle, ils s'écrient volontiers : *ah ! je vois, ah ! c'est comme ça !* C'est le signe qu'ils s'expliquent la chose à partir de leur propre système. »
« Il serait peut-être bon que parmi les preuve de l'existence de Dieu, on évite des mots comme "infini", ou que pour le moins on n'y recoure pas avant d'être au clair sur ce qu'on entend par là. »
« Il n'y a pas moyen plus sûr de se faire un nom que d'écrire sur des choses qui ont des airs d'importance, mais sur lesquelles un homme intelligent ne risque guère de se pencher. »
« Si un peuple n'apprend aucune langue étrangère, quel effet cela pourra-t-il avoir sur lui ? Peut-être un effet semblable à celui qu'exerce sur un individu l'éloignement complet de toute société. »
« Il pleuvait si fort que tous les cochons sont devenus propres, et tous les humains sales. »
« Peut-être qu'un chien, peu avant de s'endormir, ou un éléphant ivre, peuvent avoir des idées qui ne seraient pas indignes d'un magister de philosophie. Mais elles sont inutilisables pour eux, et leurs instruments de perception sensible, trop excitables, ne tardent pas à les effacer. »
« Je le dis depuis longtemps, le vieux coq va encore faire un œuf de basilic avant de quitter la scène. »
« Dans une machine organisée comme l'est ce monde, je crois que même si nous apportons notre petite collaboration à son fonctionnement, nous jouons toujours, pour l'essentiel, à la loterie. »
« Le monde est enclin à croire que tout livre où il n'est pas question de sections coniques et d'intégrales est lisible dès lors que l'on en comprend la langue. Mais c'est faux. »
« Je me suis souvent arrêté à une idée que je suis prêt à soutenir avec beaucoup de conviction : pour plaire à la postérité, il faut être haï de ses contemporains. Du coup, je me sens une envie d'agresser tout le monde. »
« Une expérience de physique où ça explose a toujours plus de valeur qu'une expérience silencieuse. On ne priera jamais assez le ciel, lorsqu'un homme veut découvrir quelque chose, que cela explose quelque part : l'écho en résonne dans l'éternité. »
« Toutes les découvertes relèvent du hasard, qui intervient tôt ou tard dans la recherche, sinon les gens intelligents pourraient s'asseoir et découvrir les choses comme on écrit des lettres. L'esprit trouve, tôt ou tard, une similitude, l'intelligence la teste, constate qu'elle est correcte : *voilà la découverte*. »
« Nous admirons parfois la vigueur des langues de nations primitives. La nôtre ne leur cède en rien, nos expressions les plus communes sont souvent très poétiques, mais la teneur poétique d'une expression se perd quand elle nous devient commune, c'est le son du mot qui émet le concept ; l'image qui en était d'abord le médium disparaît, et avec elle, toutes les idées associées. »
« Les hommes, aujourd'hui [~ 1780], se promettent tellement de l'Amérique et de son régime politique que l'on pourrait dire que les vœux secret tout au moins, de tous les Européens éclairés, subissent une *déclinaison vers l'ouest*, comme les aiguilles de nos boussoles. »
« Il existe une orthographe vraie, et une orthographe formelle. »
« On se trompe en croyant que toutes nos nouveautés ne relèvent que de la mode. Il y a là-dessous quelque chose de plus solide. On ne doit pas méconnaître *le progrès de l'humanité*. »
« Quand la vaccination contre la variole deviendra plus générale, nous aurons toute une classe de nouveaux visages. De manière générale, avec la disparition des maladies disparaîtront beaucoup de types de visages. »
« Aucune observation ne m'est plus agréable que la recherche, dans les temps les plus polis, de traces d'usages des peuples primitifs, simplement sous une forme affinée. »
« Les messieurs qui disputent contre la théorie de Kant sur le temps et l'espace, on peut leur demander tout simplement ce qu'ils entendent avec leur vraie connaissance des objets, ou si tout bonnement une telle connaissance est possible. (…) Ces propos n'éclairent peut-être rien, sauf une chose : que c'est une tentative parfaitement vaine que de vouloir réfuter M. Kant. »

« Les souffrances de Monsieur le Baron von Werther. »

« Le plus beau passage de Werther, c'est celui où il tue la poule mouillée. »

« Je crois que la voie la plus sûre de faire progresser l'homme serait d'affiner les concepts aveugles du barbare (qui se trouve à mi-chemin du sauvage et du raffiné) par la raison polie de l'homme cultivé. Si un jour le monde ne compte plus ni sauvages ni barbares, c'est est fini de nous. »
« Les cheveux se dressent sur la tête lorsqu'on y réfléchit : que de temps et de peine ont été dépensés à expliquer la Bible. »
« Dans les Mémoires de Paris, cette très belle formule de l'Éloge de M. de Linné : "Qu'il avait cette force de tête nécessaire pour rassembler des faits épars, et ne former qu'une grande vérité d'une foule de vérités isolées". »
Ce qui est fascinant dans les notes de Lichtenberg c'est qu'on y voit vraiment la science moderne se construire. Ce n'est pas une paréidolie comme chez les antiques (e.g. Épicure n'est *pas* un précurseur de la mécanique quantique.)
Il se pose des questions avec l'enthousiasme d'un enfant, mais il les formule comme quelqu'un qui maîtrise, ou embrasse, l'ensemble des sciences de son temps, et dans ses hypothèses on voit les grands chemins qui seront plus tard explorés à fond.
« On indique souvent, au dessus des poèmes lyriques, le rythme des vers :
| — ⏑ ⏑ | — — — — | — ⏑ ⏑ ⏑ | etc.
Si l'on notait les pensées avec un 1 et le nonsense avec un 0 cela aurait parfois cette allure :
000 | 000 | 000 | etc. »
« Il faudrait simplement faire encore quelques inventions du genre de l'imprimerie, alors nous nous dissiperions tout entiers dans une vapeur éthérée. Que l'imprimerie ait augmenté la faiblesse des nerfs, c'est ce que dit Weikard. »

« Les formes du jeu d'échecs, et même celle du Talmud et de l'ancienne philosophie scolastique sont bonnes, mais la matière n'y valait pas grand-chose. On y exerce ses forces, mais ce qu'on y apprend n'est bon à rien. »

« C'est ainsi que tant d'hommes tiennent pour divin ce qui n'a aucun sens raisonnable. Le plaisir que donne la vue de calculs algébriques inutiles, mais qu'on a fait soi-même, relève de cette catégorie. »

« Que Dieu fasse grâce à ceux qui règnent par la grâce de Dieu. »

[Da gnade Gott denen von Gottes Gnaden.]

« Faire roussir et brûler au nom de Dieu, assassiner et vouer au diable au nom de Dieu ; tout au nom de Dieu. »
« En France ça fermente. On ne sait pas si ça va donner du vin ou du vinaigre. »
« Le plus sage, dans les querelles, c'est d'agir comme le fameux Fourcroy, qui répartit en deux classes l'ensemble des adversaires de la chimie française : 1) ceux qui ne comprennent pas la question, et 2) ceux qui sont guidés par l'esprit de parti. »