Orit Kamir est une professeure de droit israélienne, qui a notamment rédigé la loi contre le harcèlement sexuel en Israël. Sa tribune sur la famine à Gaza a été publiée dans Haaretz en hébreu. Robert Reich en publie la traduction anglaise sur son Substack. En voici le lien et la traduction d’un extrait en français.
Faire un parallèle entre la Shoah et ce qui se passe à Gaza a longtemps été un tabou pour les Juifs israéliens, tant le thème de la Shoah (en anglais, the Holocaust est encore le mot utilisé) est lourd d’histoire et de sens, mais avec la famine à Gaza comme arme de guerre, avec le génocide nommé, c’était devenu inévitable (d’autres tribunes en anglais le font aussi dans Haaretz).
Le silence face à la famine à Gaza est une trahison absolue des victimes de la Shoah
Par Orit Kamir
Quelle valeur a notre liberté si nous ne l’utilisons pas pour mettre fin à la spoliation, aux meurtres et à la famine ? À quoi sert l’état de droit si ce n’est à garantir la dignité humaine ?
Le silence de l’opinion publique israélienne n’est pas seulement une trahison de toutes les valeurs auxquelles elle prétend adhérer, c’est une trahison absolue des victimes de la Shoah, au nom desquelles nous avons exigé un État où nous pourrions assurer notre existence. C’est une trahison de la famille Mintzer et des millions d’autres familles qui ont été massacrées et ont péri tout au long de l’histoire juive. C’est une trahison de tout le long héritage de l’existence juive en tant que minorité persécutée. C’est une trahison de l’humanité en général et de notre identité collective en particulier. C’est une trahison si monumentale qu’il est difficile de la contenir.
Je n’invoque généralement pas le nom de la Shoah, car trop de gens le portent en vain, mais aujourd’hui, c’est inévitable.
Ceux qui se réjouissent de la destruction et de l’anéantissement de Gaza, ceux qui justifient ou rationalisent l’horreur en parlant de vengeance pour le terrible massacre du 7-Octobre, ont perdu leur âme. Mais ceux qui sont encore capables d’éprouver des émotions humaines doivent se réveiller de leur torpeur paralysante et se défaire de cette trahison impardonnable.
(…)
Si un million d’Israéliens, hommes et femmes, descendaient dans la rue, d’une seule voix, pour exiger sans compromis la fin immédiate de la guerre, cette horreur prendrait fin. Même un gouvernement monstrueux et déconnecté ne peut ignorer l’ensemble de la population. Si un million d’Israéliens descendaient dans la rue, les otages seraient enfin ramenés chez eux ; la vie des soldats, dont 896 ont déjà été sacrifiés, serait sauvée ; leurs âmes seraient sauvées du traumatisme insensé que leur État leur impose ; et deux millions de personnes à Gaza seraient sauvées de l’enfer dans lequel Israël les a enfermées.
Note : j’ai traduit seulement une petite partie de la tribune d’Orit Karim. Je n’ai pas voulu traduire la partie la plus personnelle, peut-être la plus bouleversante, où elle fait le récit de la vie de sa mère petite fille dans un ghetto juif polonais. Ça commence par : « Lorsque l’armée nazie a occupé la Pologne et que les Juifs ont été parqués dans des ghettos, ils ont été contraints de se contenter de moins en moins de nourriture. Finalement, la nourriture a presque entièrement disparu. Ma mère avait sept ans lorsque le ghetto de Lvov s’est refermé sur elle. » Vous lirez ou traduirez la suite, si ça vous intéresse.