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http://www.liberation.fr/societe/2014/01/16/arret-sur-schneidermann_973385 (Arrêt sur Schneidermann)
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Daniel Schneidermann est un chroniqueur courageux, l’équivalent d’un reporter de guerre
embedded dans…la tête d’un dieudonniste (1). Il ne connaît pas la peur. C’est un malin et on ne la lui fait pas ! Les codes des médias et les manipulations n’ont aucun secret pour lui. Il faut dire que c’est
the critique des médias !
Tant de choses ayant été écrites sur « l’affaire Dieudonné », comment notre contre-journaliste pouvait-il encore briller ?
« S’immerger dans le dieudonnisme » dans une « expédition vers l’extrême ». Ben dis donc ! Le Paul-Émile Victor des terres polaires du nauséabond va jusqu’à rire d’un sketch typiquement antisémite joué sur la Toile par Dieudonné et le négationniste
Robert Faurisson. Nous tenant minute après minute informé de ses émotions, il lance :
« On rit de l’ignoble culot de ces deux desperados contre les bien-pensants ». Attention, le professionnel de l’anticonformisme n’en est pas moins humain :
« Evidemment, on s’effraie de rire ». Un humain LIBRE toutefois : « cet effroi même surprend », car il a
« si longuement appris » à ne pas rire de ces choses-là. Notre explorateur en narcissisme journalistico-politique découvre en lui-même
« une sorte de monstre d’innocence et d’insoumission ».
Le couple Dieudonné/Faurisson serait-il donc insoumis à la bien-pensance, rebelle au
« conditionnement » qu’aurait constitué la lecture d’Anne Frank et de Primo Levi ? Oui et non, un peu quand même. Car tiraillé dans son audace, le chroniqueur ne peut s’empêcher de
« se haïr » de parler de « conditionnement ». Le pauvre : quelle torture ! En tout cas, « l’affaire Dieudonné » serait
« bénéfique ». Pourquoi ? Elle nous inviterait à « réfléchir à ce conditionnement » (on y revient) et
« à se dire à cet instant qu’on a le choix »…Le précipice de l’inadmissible a été frôlé, et Schneidermann peut revenir parmi nous auréolé de ses exploits rhétoriques, avec quelques paillettes sulfureuses restées accrochées à son costume.
Voilà bien un patouillage symptomatique de la quasi-mort cérébrale qui s’étend à gauche, bien au-delà des platitudes hollandiennes ! Une mise en scène complaisamment narcissique des plaisirs et des dégoûts de la profanation dans un style « postmoderne ». Une
façon de jouer au malin qui brouille davantage les repères. Comme si les difficiles efforts pour penser par soi-même pouvaient progresser dans le brouillard et le confusionnisme. Comme si la fragilité des valeurs et des limites dans un monde sans absolus enterrait
la question des valeurs et des limites.
Dans Signes (1960), le philosophe Maurice Merleau-Ponty met en doute la prétention au courage intellectuel et à la liberté suprême des adeptes de la profanation :
« Que deviendraient les mauvais sentiments sans les bons ? Le plaisir de profaner suppose les préjugés et l’innocence ». Celui-ci apparaît
« trop attaché à ce qu’il nie pour être une forme de liberté ». Il faudrait arrêter de qualifier de « libertaires » les pulsions des marionnettes du « politiquement incorrect », qui ressemblent beaucoup aux marionnettes du conformisme.
Notre gourou de la critique médiatique des médias ajoute un autre trouble au trouble initial : l’absence d’éthique de responsabilité par rapport au contexte dans lequel tombent ses paroles. Car il n’hésite pas, dans ses circonvolutions, à donner un certain
brevet de rebellitude aux dieudonnistes. N’observe-t-il pourtant pas qu’une humeur idéologique néoconservatrice aux tonalités xénophobes se trame aujourd’hui, sans concertations ni complots, dans différents bords de l’espace intellectuel et politique ? Avec
un pôle aux dérapages antisémites incarné par Dieudonné et Alain Soral et un pôle aux dérapages islamophobes et négrophobes représenté par Eric Zemmour et Alain Finkielkraut. Et puis n’est-il pas sensible à des interférences inhabituelles ? L’extrême droite
empruntant des idées à gauche, une figure télévisée progressiste écrivant un livre de dialogue avec le pape des « rouges bruns » sur canapé, une diabolisation du monde et de l’Europe et une fétichisation de la nation arrivant de divers côtés, une droite décomplexée
qui ouvre régulièrement les égouts, l’animateur d’un courant du PS qui s’inquiète de la situation du
« petit blanc hétérosexuel », un ministre socialiste de l’Intérieur qui tient des propos xénophobes sur les Roms, l’incendiaire se transformant ensuite en pompier risquant d’étendre le brasier…
Les complications du réel sont une invitation à une action expérimentale et tâtonnante se coltinant l’incertitude. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les discours où le complexe paralyse l’action. Et, dans notre période troublée, une boussole est bien utile
malgré ses défaillances historiques : « l’Internationale sera le genre humain
».
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